MINUTE N° 2008/92
NATURE DE L'AFFAIRE : 64B
ORDONNANCE DU 25 Mars 2008
DOSSIER N° 08/00453
AFFAIRE : COMMUNE DE BRIE SOUS MATHA, Bernard GOURSAUD C/ Jean-Pierre COLLENOT
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINTES
ORDONNANCE DE REFERE
LE JUGE DES REFERES : Madame JEANPIERRE-CLEVA, Présidente
GREFFIER : Madame SOUMAGNAC, Greffier
PARTIES
DEMANDEURS
COMMUNE DE BRIE SOUS MATHA,
domiciliée en sa mairie située Allée Marianne - 17160 BRIE SOUS MATHA, agissant par l'intermédiaire de son Maire en exercice, M. GOURSAUD
représentée par SCP VAUVILLE-SAINTE MARIE PRICOT, avocats au barreau de SAINTES,
Monsieur Bernard GOURSAUD
né le 13 Mai 1947 à BRIE SOUS MATHA (17160), demeurant 17, rue du Chail -17160 BRIE SOUS MATHA
représenté par SCP VAUVILLE-SAINTE MARIE PRICOT, avocats au barreau de SAINTES,
DEFENDEUR
Monsieur Jean-Pierre COLLENOT,
demeurant 1 Grand Rue - 17160 BRIE SOUS MATHA
représenté par Me LACAZE, avocat au barreau de SAINTES,
Débats tenus à l'audience du : 11 Mars 2008
Date de délibéré indiquée par le Président : 25 Mars 2008
Ordonnance rendue à l'audience du 25 Mars 2008
Par assignation en référé délivrée le 29 février 2008, la Commune de BRIE SOUS MATHA et M. Bernard GOURSAUD demandent à ce que M. Jean-Pierre COLLENOT soit condamné, sous astreinte de 100 euros par
jour de retard, à retirer du blog qu'il a ouvert sur un site internet sous le titre "Briellois un blog citoyen à Brie Sous Matha (17)", les passages relatifs aux gros travaux faits dans la Commune,
à sa situation financière, et aux difficultés résultant de la décision de la Chambre Régionale des Comptes.
Les demandeurs réclament également 1000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et l'intégration aux dépens du coût du constat d'huissier dressé le 26
février 2008.
Ils invoquent un trouble manifestement illicite aux motifs que les écrits constituent des allégations ou des imputations de faits qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de M.
GOURSAUD, Maire de la Commune, et ces écrits à caractère diffamatoire sont de nature à porter préjudice à M. GOURSAUD qui se présente aux élections municipales et cantonales.
Ils rappellent qu'il ne s'agit pas d'une action en réparation civile d'infraction de presse mais d'une action fondée sur l'article 809 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'ils ont signifié
leur assignation et conclusion contenant élection de domicile avant l'audience et l'ont dénoncé au Ministère public.
M. COLLENOT soulève la nullité de l'assignation qui n'a pas été notifiée au Ministère Public conformément à l'article 53 de la loi du 19 juillet 1881, et la nullité des demandes contenues dans les
conclusions récapitulatives qui n'ont pas valeur de citation contenant élection de domicile, ainsi que la nullité de la demande de la Commune, à défaut de délibération spéciale.
A titre subsidiaire, il conclut au débouté des demandes, en rappelant qu'il est lui même candidat aux élections municipales, que ses propos ne dépassent pas le cadre de la polémique autorisée en
matière électorale, que la Commune a bien été contrainte d'exécuter les décisions de la Chambre Régionale des Comptes, et que les propos tenus ne traduisent que l'expression d'un libre droit de
critique.
Il sollicite 1 euros à l'égard de la Commune et 1.000 euros à l’encontre de M. GOURSAUD, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception de nullité de l'assignation :
Il est constant que les formalités prévues par les articles 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1981 rentrent dans le champ des dispositions spécifiques au droit pénal
puisqu'elles conditionnent la mise en œuvre et la régularité d'exercice de l'action publique dont la citation est l'acte initial, et celle de l'action en réparation des dommages causé par ces
infractions.
Par contre, elles ne sont pas applicables à la procédure de référé sur le fondement de l'article 809 qui tend seulement au prononcé de mesures provisoires propres à faire cesser un trouble
manifestement illicite.
Tel est bien le cas de l'espèce, puisque la demande principale concerne le seul retrait des propos litigieux émis par le défendeur sur son site internet
Il y a donc lieu de rejeter l'exception de nullité.
Sur la nullité de la demande de la Commune :
Le
régime particulier de l'article 48 de la loi du 28 juillet 1881 invoqué par le défendeur, institue seulement des règles spéciales pour la mise en mouvement de l'action publique. Les dispositions de
l'article 48 ne sont donc pas applicables à la présente procédure de référé.
En l'espèce, la Commune de BRIE SOUS MATHA produit la délibération prise par le Conseil Municipal le 7 janvier 2003, qui a décidé de donner au maire une délégation l'autorisant à « ester en justice
soit en demandant soit en défendant la Commune pendant toute la durée du mandat ».
Il ressort de cette formule, rédigée de façon très générale, que le Conseil Municipal n'a pas souhaité définir les cas dans lesquels le Maire pouvait agir en justice au nom de la Commune.
Par contre, le mandat vise toute demande ou défense de la Commune ce qui suppose un intérêt à agir qui présente un caractère personnel, distinct de l'intérêt du Maire.
En l'espèce, les propos émis sur le blog de M. COLLENOT l'ont été dans le cadre de la campagne électorale des municipales qui opposait la liste conduite par M. GOURSAUD, maire sortant, et celle
conduite par M. COLLENOT, et c'est pour répondre aux arguments énoncés lors de la campagne que le Maire, et le Conseil Municipal, a émis une note d'information le 21 Janvier 2008, suivi d'une note
aux électeurs émanant de M. GOURSAUD.
C'est donc bien un litige qui oppose le Maire de la Commune à un adversaire politique, et non un litige relatif aux seuls intérêts de la Commune.
Il y a donc lieu de déclarer la Commune irrecevable à agir.
Commentaire :
Ce n’est malheureusement pas la première fois que Mr le Maire se prend pour la commune. Cette confusion est à l’origine de nombreux
dysfonctionnements dans la gestion municipale à Brie-sous-Matha. Si les communes se trouvaient menacées par les débats des campagnes électorales, il y a belle lurette qu’il n’y aurait plus
d’élections municipales ou plus de communes.
Sur la demande de M. GOURSAUD :
Il ressort des pièces qui sont produites, que les propos relatifs à "la quasi exclusivité accordée à une entreprise locale de BTP" et à ceux qui "se demandent si les liens d'affaires privées qui
existent entre le Maire et cette entreprise, ne nuisent pas à la sincérité des marchés publics passé par le Commune", concernent une entreprise dont les engins ont stationné sur la parcelle de M.
GOURSAUD pour y prélever du remblais.
M GOURSAUD justifie, dans la présente instance, qu'il s'agissait, pour lui d'un acte gratuit, et d'une tolérance qu'il accorde gracieusement à tous ses concitoyens.
Dès lors, s'il apparaît effectivement que les questions posées par M. COLLENOT l'ont été de façon très polémique, et qu'elles étaient de nature à insinuer un doute sur les critères ayant présidé
aux choix de cette entreprise, il convient cependant de remarquer que les circonstances de fait rappelées ci-dessus justifiaient que de telles questions soient posées, et qu'il appartenait au Maire
d'y répondre dans le cadre de la campagne électorale en cours qui soumettait tous les candidats à un débat, incluant si besoin une explication et une justification des décisions prises lors du
mandat qui arrivait à expiration.
Par ailleurs, les propos émis sur la situation "financière délicate" de la Commune sont fondés sur les conséquences, présumées par M. COLLENOT, des avis de la Chambre Régionale des Comptes des 11
octobre et 13 décembre 2007.
Il est exact que le ton employé est celui de la polémique, et que certains termes sont inexacts sur le plan juridique. Cependant, cette discussion ne porte, en réalité, que sur les conséquences
d'une décision prise par le Conseil Municipal de ne pas payer certaines sommes dues à des Communes voisines pour l'accueil des enfants.
Ce choix politique, et les conséquences administratives et financières qui en ont découlées faisaient naturellement, et légitimement partie des éléments du débat politique local, et le Maire
sortant disposait de toutes les informations pour éclairer ses concitoyens et répondre aux allégations de M. COLLENOT lequel ne détenait pas tous les renseignements nécessaires.
Or, la formulation, même polémique, de la question technique de l'équilibre budgétaire d'une commune lors d'une campagne électorale ne peut valablement constituer un trouble manifestement
illicite.
Dès lors, il convient de débouter M. GOURSAUD de toutes ses demandes.
Commentaire :
« Les circonstances de fait rappelées ci-dessus justifiaient que de telles questions soient posées ». On peut difficilement être
plus clair : les faits que chacun connaît ici autorisaient tous les habitants de Brie à se poser des questions. Je l’ai fait pour tous sur mon blog.
Les rapports de la Chambre des Comptes et leurs conséquences financières pour la commune : la mise en demeure faite à la commune de
devoir payer, fin décembre 2007, la somme de 34.012,13 € au titre de sa dette scolaire a forcément des conséquences sur l’équilibre financier de notre commune, d’autant plus qu’aucune réserve
n’avait été faite pour payer cette dette (qui n’était pas sérieusement contestée).
Monsieur le Maire a fui le débat sur ce sujet, pendant la campagne électorale. Il a préféré mettre l’affaire devant la justice en
affirmant qu’il s’agissait de diffamation.
Monsieur le Maire, il faut, devant les électeurs, assumer les conséquences de ses choix, y compris lorsqu’ils sont néfastes pour la
collectivité.
Celui qui doit assumer, c’est celui qui le fait, et non celui qui le dit.
Etre Maire suppose que celui qui est élu à cette fonction ait le courage d’assumer toutes ses responsabilités, pour le meilleur, comme
pour le pire.
Par contre, il n'existe en l'état aucun motif d'équité de nature à fonder l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit du défendeur.
Commentaire
-3- Les conséquences financières de ce jugement
Je me réjouis également que ce procès ne coutera rien aux habitants de la commune, les frais étant laissés à la charge de celui qui les a
engagés. Et, conseiller municipal, j’y veillerai personnellement.
Lors de l’audience du 11 mars, j’avais demandé, au cas où la commune serait condamnée dans cette action, que sa condamnation soit limitée
à 1 euro symbolique, pour ne pas aggraver encore sa situation financière.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort.
REJETONS l'exception de nullité de l'assignation opposée par M. COLLENOT.
DECLARONS irrecevable l'action de la Commune de BRIE SOUS MATHA.
DEBOUTONS M. Bernard GOURSAUD de toutes ses demandes.
DEBOUTONS M. Jean-Pierre COLLENOT de ses demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISONS que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
LE GREFFIER LE JUGE DES REFERES